Odilon Redon
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Odilon Redon

Nov 06, 2022

Odilon Redon

Peintre et graveur français 


Né : 20 avril 1840 - Bordeaux, France

Décédé : 6 juillet 1916 - Paris, France



Enfance


Odilon Redon est né Bertrand Jean Redon dans une famille prospère de Bordeaux. Son surnom est une dérivation du prénom de sa mère, Odile, qui était une créole française originaire de Louisiane. En raison de sa mauvaise santé, peut-être due à l'épilepsie, Redon est confié à son oncle et grandit à Peyrelebade, dans le Médoc, sur le domaine viticole de la famille. Son enfance est solitaire et il décrit des journées passées à "regarder passer les nuages, suivant avec un plaisir infini l'éclat magique de leurs variations fugaces". Cependant, Redon s'est également caractérisé comme un "enfant triste et faible", qui "recherchait les ombres". Il se souvient : " Je me rappelle avoir pris une joie profonde et inhabituelle à me cacher sous les grands rideaux et dans les coins sombres de la maison. " Cette note de mélancolie et de pessimisme trouvera son expression dans son art mature, notamment dans ses noirs et ses œuvres symbolistes mystérieuses.

Redon finit par retourner dans sa famille à Bordeaux, où il entre à l'école pour la première fois à l'âge de 11 ans. Après avoir remporté un prix de dessin, ses parents lui font suivre les cours de Stanislas Gorin en 1855. Gorin a une profonde influence sur l'artiste en herbe, comme le rappelle Redon : "Ses premiers mots... ont été pour me conseiller d'être moi-même, et de ne jamais faire une seule marque avec un crayon sans y mettre mon sentiment et ma raison." Aquarelliste expert, Gorin présente à Redon des artistes romantiques tels qu'Eugène Delacroix et Francisco Goya, dont Redon est encouragé à copier les œuvres. Il a également initié le jeune artiste à l'art de leurs contemporains, notamment Jean-Baptiste-Camille Corot et Gustave Moreau.


Formation et travaux de jeunesse


Le père de Redon le pousse à étudier l'architecture plutôt que l'art, mais en 1857, Redon échoue aux examens d'entrée pour les études d'architecture à l'École des Beaux-Arts. À Paris, Redon rencontre le botaniste Armand Clavaud, qui lui fait découvrir les théories scientifiques de Charles Darwin, les œuvres littéraires de Charles Baudelaire, Gustave Flaubert et Edgar Allan Poe, ainsi que les textes sacrés de l'hindouisme et du bouddhisme, et entretient avec lui une amitié durable et très influente. Redon continue à peindre des aquarelles dans le style de Gorin et, en 1862, il réalise sa première œuvre majeure, Roland à Roncevaux, qui représente le héros romantique des croisades dans un style qui rappelle celui de Delacroix. En 1864, Redon entre dans l'atelier du célèbre peintre académique Jean-Léon Gérôme, une expérience éducative que Redon qualifie de "torturée", en raison de l'accent mis par Gérôme sur la représentation mimétique.

En 1865, à la recherche d'un environnement plus favorable, Redon retourne avec bonheur dans sa maison familiale de Bordeaux et se lance dans la sculpture. C'est à cette époque que Redon fait la connaissance de Rodolphe Bresdin, un artiste appauvri mais tout à fait original et excentrique, dont la combinaison de représentations très détaillées du monde naturel et de sujets visionnaires aura une profonde influence sur le jeune artiste. En effet, Bresdin devient un mentor pour Redon, lui apprenant à réaliser des eaux-fortes et des gravures, et l'encourageant à puiser dans le monde de l'esprit et du mystère vers lequel Redon est déjà attiré.


Période de maturité


Les années 1870 sont une décennie de profonds changements dans la vie et la pratique artistique de Redon. En 1870, il est appelé sous les drapeaux pour participer à la guerre franco-prussienne, qui se termine par une défaite humiliante de la France et la Commune un an plus tard. Cette expérience a interrompu sa vie et son travail d'artiste, aggravant ses tendances naturelles à la mélancolie. Pourtant, les événements tumultueux de 1870-71 ont conduit à une percée artistique. De retour à Paris, il commence à travailler sur ce qu'il appelle ses noirs : des dessins monochromes au fusain qui exploitent la richesse inhérente du noir du support. L'extraordinaire gamme de tons, de textures et d'ombres que Redon atteint dans ces œuvres est remarquable et n'a d'égal que les dessins au crayon Conte de Georges Seurat de la même époque. Le noir est devenu pour Redon le support idéal pour exprimer son imagination. Comme le disait Redon, "Le noir doit être respecté. Rien ne le prostitue. Il ne plaît pas à l'œil et n'éveille pas la sensualité. Il est l'agent de l'esprit bien plus que la splendide couleur de la palette ou du prisme."

En 1872, Redon rencontre Henri Fantin-Latour, qui lui apprend la méthode de transfert de la lithographie. Lorsque le père de Redon meurt sans le sou en 1874, Redon se tourne vers la lithographie pour gagner sa vie, car ces estampes peuvent être produites et vendues en quantités relativement importantes, ce qui lui permet de commercialiser ses œuvres auprès d'un public plus large. Comme il le décrit, "j'avais auparavant essayé, en vain, d'exposer dans les Salons officiels avec les nombreux dessins que j'avais déjà réalisés... J'ai donc fait mes premières lithographies (en 1878) pour multiplier mes dessins."

En 1876, il rencontre le poète et critique d'art, Stéphane Mallarmé, et participe à des réunions régulières chez Mallarmé, où il rencontre de nombreux écrivains et artistes dans son cercle symboliste. Redon commence à recevoir l'attention de la critique à la fin des années 1870, avec la parution de son Esprit tutélaire des eaux (1878). En 1879, il réalise sa première série lithographique, Dans le rêve.

En 1880, il épouse Camille Falte, une créole comme sa mère, et déclare : " Je crois que le oui que j'ai prononcé le jour de notre union était l'expression de la certitude la plus complète et la plus pure que j'aie jamais éprouvée. Une certitude plus complète encore que ma vocation." Cependant, le bonheur de son mariage est assombri par la perte du premier enfant du couple, un fils, qui meurt à l'âge de six mois. Cette tragédie plonge Redon dans une profonde dépression qu'il décrit poétiquement comme un "évanouissement mélancolique".

Pendant cette période, Redon travaille principalement sur des lithographies, créant plusieurs portfolios conçus comme des accompagnements d'œuvres littéraires. Ainsi, To Edgar Poe paraît en 1882 (les poèmes de Poe avaient été traduits en français dix ans plus tôt par Mallarmé), et La Tentation de Saint Antoine, inspiré du roman de Flaubert, en 1896. Aux Salons de Mallarmé, Redon rencontre le critique et romancier Joris-Karl Huysmans, qui devient un grand admirateur de l'artiste. Le roman décadent de Huysmans, Contre nature (1884), raconte l'histoire du dandy Des Esseintes, qui se cache de la société dans son hôtel particulier de la banlieue parisienne. Parmi sa collection d'art, on trouve un certain nombre d'œuvres de Redon, notamment des dessins au fusain. Le roman a contribué à rendre Redon célèbre. À peu près à la même époque, Redon se lie d'amitié avec Paul Gauguin, qui comprend clairement l'art visionnaire de son ami : "Je ne vois pas pourquoi on dit qu'Odilon Redon peint des monstres. Ce sont des êtres imaginaires. C'est un rêveur, un esprit imaginatif".

1882 L'œil, comme un étrange ballon, se déplace vers l'infini

L'œil, comme un étrange ballon, se déplace vers l'infini

1882

Redon a exposé avec les impressionnistes lors de leur dernière exposition collective en 1886. Ses œuvres ont marqué le changement de cap de l'art moderne, de l'impressionnisme au symbolisme, et de l'observation des effets fugaces de la nature à l'accent mis sur la subjectivité et la vision intérieure.


La dernière période


Dans les années 1890, l'œuvre de Redon connaît un changement radical, puisqu'il commence à travailler principalement au pastel, utilisant enfin la couleur après des années d'utilisation exclusive du noir. Certains spécialistes ont attribué ce changement à un éveil religieux, comme en témoigne l'intérêt croissant de l'artiste pour des sujets tirés du bouddhisme ou du christianisme, mais nombre de ses lithographies en noir et blanc étaient également consacrées à des sujets religieux. Quel que soit le support, Redon s'intéresse avant tout à l'expérience subjective de la spiritualité, plutôt qu'à l'illustration de textes liturgiques. La couleur est simplement devenue un autre moyen d'explorer des domaines au-delà du visible, en l'utilisant à des fins expressives plutôt que mimétiques. D'autres chercheurs ont attribué l'adoption de la couleur par Redon à son bonheur personnel, puisque son deuxième fils, Ari, est né en 1889. En 1913, l'artiste réfléchit à son passage à la couleur en déclarant : "Si l'art d'un artiste est le chant de sa vie, une mélodie solennelle ou triste, je dois avoir fait sonner la note-clé de la gaieté dans la couleur".

Dans les années 1890, l'amitié continue de Redon avec Gauguin l'amène à rencontrer les jeunes artistes des Nabis. Maurice Denis voit en Redon un exemple d'artiste établi qui utilise également les outils formels de son art pour exprimer un sentiment personnel, ou ce qu'il appelle "l'état d'âme de l'artiste". Redon a également appris des jeunes peintres et a commencé à adopter leur japonisme, leur utilisation expressive de la couleur et l'accent mis sur la décoration. De nombreux nabis, dont Édouard Vuillard et Pierre Bonnard, créent des projets décoratifs à grande échelle, tels que des paravents et des peintures murales, et Redon s'y adonnera également vers la fin de sa carrière, notamment dans ses peintures murales pour le château du baron Robert de Domecy et l'abbaye de Fontfroide.

Après 1900, Redon commence à se concentrer sur les portraits, souvent réalisés sur commande, ainsi que sur des sujets mythologiques et littéraires, des natures mortes florales et les travaux décoratifs susmentionnés. Tout ce qu'il fait à partir de ce moment-là est totalement inondé de couleurs brillantes qui présentent ce que l'artiste surréaliste du vingtième siècle, André Masson, appellera la "chromatique lyrique".

c. 1905 Bouquet de fleurs

Bouquet de fleurs

1905

La renommée de Redon s'est accrue vers la fin de sa vie ; en 1903, le gouvernement français lui a décerné la Légion d'honneur. En 1913, l'éditeur André Mellerio a publié un catalogue raisonné de ses gravures ; la même année, il a été inclus dans le célèbre Armory Show de New York, exposant plus d'œuvres que tout autre artiste de l'exposition. Redon meurt en 1916, une mort peut-être précipitée par l'anxiété et la crainte que lui inspirait son fils, qui servait comme soldat sur le front de la Première Guerre mondiale.


L'héritage d'Odilon Redon


L'influence considérable d'Odilon Redon se divise en deux catégories correspondant aux deux principaux fils conducteurs de son œuvre : ses peintures et pastels tardifs extraordinairement vifs et colorés, et ses noirs antérieurs. Pour les Nabis, c'est l'utilisation libre et expressive de la couleur par Redon qui aura le plus d'impact. Maurice Denis attribuait à Redon l'évolution spirituelle de son propre art, tandis que Pierre Bonnard disait de Redon : "Toute notre génération est tombée sous son charme et a reçu ses conseils". Plus tard, Henri Matisse a reconnu l'influence des pastels de Redon sur sa propre palette fauve colorée.

Mais l'impact des noirs de Redon sur l'art moderne a peut-être été encore plus profond, car c'est en eux que l'on trouve sa plus grande originalité et inventivité. Les surréalistes ont été particulièrement séduits par la qualité onirique de ces fusains et lithographies, et André Breton, leur chef de file de facto, était un grand admirateur. Un élément clé de l'influence de Redon était la suggestivité de son art - plutôt que de décrire les choses pour nous, le spectateur participe activement à l'interprétation de l'œuvre. L'inventeur du readymade, Marcel Duchamp, a déclaré : "Si je dois dire ce qu'a été mon propre départ, je devrais dire que c'est l'art d'Odilon Redon". L'influence de Redon s'étend même au-delà des arts visuels, notamment dans l'œuvre du compositeur Toru Takemitsu.
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